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Pas assez d’eau. Il n’y a pas assez d’eau. Pour faire boire un troupeau il faut plus d’eau. Aujourd’hui il pleut et c’est vraiment pas de chance parce que ici, de l’eau, il n’y en a jamais assez. Aujourd’hui c’est un jour de pluie. C’est un jour de printemps, un jour d’avril. April shower. Ils disent April shower mais c’est les giboulées de mars. Ils disent avril pour notre mars. Mais c’est pareil. C’est une vieille neige, c’est une pluie pas encore. C’est de la grande eau qui me tombe sur le dos. Et c’est le jour où je creuse.

 

Je suis à nouveau à la montagne. J’ai repris le chemin de la montagne pour la même famille. La famille me connaît et moi aussi je les connais. On n’a plus à se dire.

Alors je prends mon paquetage, je rejoins l’équipe et on repart à la montagne. Après chacun son territoire. Moi j’ai ma montagne. Je l’ai pas choisie. Ils m’ont pas dit « Prends celle que tu veux.» Ils m’ont dit « Galleron, tu pars là-bas. » J’y suis parti.

Ils m’ont pas dit ta montagne elle est sans arbre, ta montagne elle est plutôt raide, tu verras, jamais un pied au niveau de l’autre. Ils m’ont rien dit. Simplement avec mon paquetage et mon troupeau on est arrivé là et personne n’avait un pied au niveau de l’autre.

 

Pas d’arbre. Raide comme la justice. Et plein sud. Plein sud la garce. En mai on l’a belle avec le soleil doux. Mais déjà début juin on fait moins le mariole. En juin sur cette montagne, les moutons à midi ils commencent à tirer la langue. Les moutons avec leurs pieds pas en face ils commencent à en baver. Chaque année, les brebis qui la connaissent la montagne, elles le disent aux nouvelles. Elles leurs disent « buvez bien la rosée, buvez les gouttes sur les cailloux, buvez l’eau des petits ruisseaux. Buvez et tâchez de ne pas oublier. »

Parce que sur cette montagne sans arbre, cette montagne raide, cette montagne sur le côté sec, l’eau c’est comme un souvenir de bonheur. Elle tient pas en place. Elle peut pas. Elle a rien pour se raccrocher. Elle est là l’eau. Elle est exposée au soleil, elle est exposée au vent.

J’ai repris le chemin de la montagne et que j’y revienne ou pas l’année prochaine, je peux plus la regarder s’en aller. Je vais prendre les chemins des moutons, les chemins qui traversent la pente et je vais creuser. Je vais creuser un sillon, un sillon en « z » qui va traverser la montagne. D’un côté, de l’autre. Et zingue et zangue. Dans les sillons l’eau elle va couler. Elle va filer d’un côté à 100 à l’heure et à 100 de l’autre, et zingue et zangue, ça va y aller à la manœuvre. Ça va dévaler, moi je vous le dis. Ça va dévaler jusqu’en bas. Et en bas dans la plaine, en bas quand l’eau elle arrivera, qu’elle comprendra pas ce qui lui arrive de se retrouver sur le plat, quand il y aura plus de pente, qu’il y aura plus de virages, elle se reposera. Elle se reposera dans un grand lac, un grand lac large, sombre et épais.

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  • : L'ENGRAIN PAR CHRISTOPHE GALLERON
  • : JE SUIS RÉALISATEUR ET J'AI TOURNÉ EN AOUT 2010 UN FILM INTITULÉ "L'ENGRAIN". JE VOUS INVITE A DÉCOUVRIR MON TRAVAIL EN COURS (ÉCRITURE, REPÉRAGES...)
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